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15/01/2025 | FRANCE | N°24PA01710

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 15 janvier 2025, 24PA01710


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.



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Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 14 avril 2024, M. A... B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 17 juin 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.

Par un jugement n°2206862 du 18 janvier 2024, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2024, M. A... B..., représenté par Me Thominette, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n°2206862 du 18 janvier 2024 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contenues dans l'arrêté du 17 juin 2022 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, au besoin sous astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation par son conseil à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de la menace d'atteinte qu'il représente pour l'ordre public ;

- la préfète n'a pas mis en balance la gravité de la menace à l'ordre public qu'il représente et le respect de son droit à une vie privée et familiale ;

- en l'absence de défense, le préfet est réputé avoir acquiescé aux faits.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 4 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024 à 12 heures.

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 19 mars 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- et les observations de M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né le 7 décembre 1995, est entré en France courant 2011 selon ses déclarations. À sa majorité, il a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour jusqu'au 12 novembre 2014, puis a obtenu des titres de séjour " vie privée et familiale " d'une durée d'un an à compter du 28 mai 2015, régulièrement renouvelés en dernier lieu jusqu'au 21 juillet 2021. Le 20 octobre 2021, M. A... B... en a demandé le renouvellement. Par un arrêté du 17 juin 2022, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. M. A... B... relève appel du jugement du 18 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire (...) ". Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. ".

3. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. A... B..., la préfète du Val-de-Marne a, d'une part, retenu que celui-ci représentait une menace pour l'ordre public dès lors qu'il a notamment commis le 1er janvier 2016 des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie de mutilation ou infirmité permanente pour lesquels il a été condamné, le 25 mai 2018 par la cour d'assises des Hauts de Seine, à la peine de six ans d'emprisonnement et, d'autre part, qu'il ne justifie pas d'une insertion professionnelle suffisante, stable et significative en dépit de ses liens privés et familiaux sur le territoire national, inscrits dans la durée et la stabilité, en conséquence de quoi aucune atteinte n'était portée aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Préalablement à l'édiction de l'arrêté contesté, la préfète du Val-de-Marne a saisi la commission du titre de séjour qui a rendu, le 17 mai 2022, un avis défavorable à la délivrance du titre sollicité. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que le relève cet avis, que la peine d'emprisonnement à laquelle le requérant a été condamné par la cour d'assises des Hauts de Seine l'a été pour faits d'une particulière gravité, à raison desquels celui-ci a été incarcéré du 30 octobre 2016 au 26 juin 2019, puis placé sous surveillance électronique jusqu'à la date de fin de sa peine le 30 juillet 2021. Si, en détention et depuis lors, M. A... B... s'est inscrit dans une démarche de réinsertion, il est constant qu'à la date de la décision contestée, la condamnation, l'incarcération et la surveillance probatoire dont il a continué à faire l'objet, présentaient un caractère encore récent, en conséquence de quoi, à cette date, la préfète du Val de Marne a ainsi pu légalement et sans faire une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce, estimer que, eu égard à la gravité des faits qui lui sont reprochés, sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public et qu'il y avait lieu, pour ce motif, de refuser de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " " et, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ".

6. M. A... B... soutient, qu'entré en France en 2011 à l'âge de 16 ans, il a été placé sous la tutelle de son frère aîné naturalisé français qu'il considère comme un père et au domicile duquel il réside en compagnie de sa belle-sœur et de ses neveux. Il invoque également la scolarité qu'il a effectuée sur le territoire national, l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle en maintenance de véhicules automobiles en 2014 et son parcours professionnel continu depuis 2015, notamment en tant qu'employé polyvalent dans des restaurants et se prévaut, enfin, du travail et de la remise à niveau effectués en détention, d'une activité professionnelle à compter du 1er mars 2022 en qualité de préparateur de commande, en intérim. Toutefois, comme indiqué au point 4, l'intéressé n'a fini d'exécuter sa peine que peu de temps avant la date de la décision contestée. S'il a été accueilli par la famille de son frère aîné, il est constant que ses deux parents résident en Tunisie. Dans ces conditions, compte-tenu la menace pour l'ordre public que représentait la présence en France du requérant à la date de l'arrêté contesté, en refusant de renouveler son titre de séjour, la préfète du Val-de-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts pour lesquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne, qui en l'absence de mise-en-demeure ne saurait en tout état de cause être réputée avoir acquiescé aux faits, ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A... B....

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Bonifacj, présidente de chambre,

M. Niollet, président-assesseur,

Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 janvier 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA01710


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01710
Date de la décision : 15/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : THOMINETTE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-15;24pa01710 ?
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