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16/01/2025 | FRANCE | N°24PA01382

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 16 janvier 2025, 24PA01382


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2317262/2-3 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :
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Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 26 mars, 16 avril et 29 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2317262/2-3 du 7 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 26 mars, 16 avril et 29 novembre 2024, M. A... C..., représenté par Me Rochiccioli, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2317262/2-3 du 7 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juin 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est entaché de vices de procédure, en l'absence de justification de la désignation régulière des médecins y ayant siégé, de la collégialité de la délibération et de la production des éléments sur lesquels ils se sont fondés pour estimer qu'il aurait un accès effectif à un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit, le préfet ayant méconnu l'étendue de sa compétence ;

- elle a été prise en violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision d'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- cette décision a été prise en violation du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 19 février 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... C....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R.313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus, au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,

- et les observations de Me Rochiccioli, avocat de M. A... C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... C..., ressortissant colombien né le 7 avril 1991, est entré en France le 22 mars 2019 selon ses déclarations. Le 27 décembre 2022, il a sollicité son admission au séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 22 juin 2023, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... C... relève appel du jugement du 7 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège des médecins de l'OFII du 6 juin 2023, signé par les trois médecins composant ce collège, qui ont été désignés par une décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer en date du 1er juin 2022 régulièrement publiée sur le site internet de l'OFII, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " qui fait foi du caractère collégial de cet avis jusqu'à preuve du contraire. En se bornant à soutenir que la démonstration du caractère collégial de cette délibération n'est pas rapportée par la seule signature de l'avis rendu le 6 juin 2023 par les médecins composant le collège compte tenu de leur éloignement géographique, M. A... C... n'apporte aucun commencement de preuve susceptible de remettre en cause l'existence de cette délibération collégiale, conformément à la mention figurant sur cet avis, laquelle peut se tenir au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle, aucune disposition n'imposant qu'elle se déroule en présentiel. Par ailleurs, si la demande de communication auprès de l'OFII de l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office est une possibilité pour le juge administratif, à qui il appartient de prendre en considération l'avis rendu par ce collège ainsi que l'ensemble des éléments pertinents, la seule circonstance que les informations ayant permis au collège de médecins de l'OFII, dans son avis du 6 juin 2023, de conclure à la disponibilité effective d'un traitement approprié à la pathologie de M. A... ne lui ont pas été communiquées est, en tout état de cause, sans incidence, sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée, que le préfet de police, qui a repris à son compte l'avis du collège des médecins de l'OFII, se serait estimé en situation de compétence liée et n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle de M. A... C.... Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur de droit doivent être écartés.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

6. Il ressort de ces pièces que M. A... C... est atteint du virus de l'immunodéficience humaine (VIH), d'une hépatite B, d'une syphilis et d'une infection à gonocoques, affections pour lesquelles il est pris en charge à l'hôpital de l'Hôtel-Dieu à Paris et pour lesquelles il bénéficie d'un traitement médical, notamment à base de Rekambis et Vocabria. Pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A... C..., le préfet de police a estimé, ainsi que l'avait fait le collège de médecins de l'OFII dans son avis du 6 juin 2023, que si son état de santé nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut serait susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. D'une part, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, si le requérant allègue que les médicaments qui lui sont prescrits sont indisponibles en Colombie, les certificats médicaux des 26 octobre 2020 et 8 novembre 2021, de même que celui du 29 juin 2023, produit en cause d'appel, établis par des médecins du service immuno-infectieux de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, qui indiquent que sa pathologie nécessite un traitement et de suivi médical qui ne sont pas disponibles dans son pays d'origine, ne permettent pas, à eux seuls, de contredire utilement les motifs de l'avis de l'OFII, que le préfet de police s'est approprié dans sa décision. D'autre part, si le requérant fait valoir que le Vocabria n'est pas disponible en Colombie, il n'est pas établi, que ce médicament ne serait pas substituable et que l'intéressé ne pourrait pas ainsi bénéficier dans ce pays d'un traitement ayant les mêmes propriétés. Par ailleurs, si M. A... C... se prévaut d'un précédent avis du collège de médecins de l'OFII en date du 2 mai 2022, mentionnant qu'il ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police s'est prononcé sur la demande de titre de séjour présentée par M. A... C... le 27 décembre 2022, en prenant en compte l'avis émis par l'OFII le 6 juin 2023, ainsi postérieur de plus d'un an à celui qui est invoqué. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... C... serait dans l'impossibilité de disposer des ressources nécessaires afin de suivre un traitement approprié en Colombie. En conséquence, les éléments produits par le requérant ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet de police quant à l'accès effectif de l'intéressé à un traitement approprié dans son pays d'origine au regard des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni entaché l'arrêté litigieux d'une erreur d'appréciation.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... C... soutient qu'il vit en France depuis 2019 et qu'il y est bien intégré socialement et professionnellement, et qu'il n'a plus d'attaches familiales en Colombie, n'ayant plus de contact avec son père et sa mère étant décédée. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant, célibataire et sans charge de famille, qui n'établit, ni même n'allègue, disposer d'attaches privées et familiales en France, serait dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, la décision attaquée ne portant pas atteinte disproportionnée au droit de M. A... C... au respect de sa vie privée et familiale, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.

9. En cinquième lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par M. A... C... à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

10. En dernier lieu, pour les motifs exposés aux points 6 et 8 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation, d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2025.

La rapporteure,

I. JASMIN-SVERDLINLe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01382 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01382
Date de la décision : 16/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : ROCHICCIOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-16;24pa01382 ?
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