Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2022 par lequel le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2301119 du 28 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 17 mai 2024, M. A... C..., représenté par Me Berdugo, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301119 du 28 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Val d'Oise du 28 décembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation de séjour avec autorisation de travail, dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de motivation et d'une dénaturation des faits ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- cette décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la commission du titre de séjour aurait dû être saisie, en raison d'un séjour en France depuis plus de dix ans ;
- cette décision est entachée de méconnaissance des articles L. 423-7, L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- cette décision est entachée de méconnaissance des 2°) et 5°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 août 2024, le préfet du Val d'Oise conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun moyen n'est fondé.
Par une décision du 18 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... C....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Irène Jasmin-Sverdlin,
- et les observations de Me Simon substituant Me Berdugo, avocat de M. A... C....
Une note en délibéré, enregistrée le 8 janvier 2025, a été présentée pour M. A... C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A... C..., ressortissant congolais (République démocratique du Congo) né le 1er mai 1984, déclare être entré irrégulièrement en France le 16 octobre 1992. Le 5 avril 2022, M. A... C... a sollicité son admission au séjour en tant que père d'un enfant français, sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 décembre 2022, le préfet du Val d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné. M. A... C... relève appel du jugement du 28 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. M. A... C... soutient que le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation et d'une dénaturation des faits dès lors, d'une part, que les premiers juges se sont fondés sur les attestations rédigées par les mères de ses enfants français pour considérer qu'il ne contribuait pas à son entretien et à son éducation alors que les pièces du dossier démontrent la réalité de sa contribution et, d'autre part, qu'il ne prend pas en compte la relation qu'il entretient avec ses enfants. Toutefois, ces moyens, tels qu'ils sont formulés relèvent du bien-fondé du jugement et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité. En tout état de cause, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des éléments versés au dossier et des arguments de l'intéressé, est suffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative et ne révèle pas une dénaturation des faits.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, M. A... C... reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour, du défaut d'examen particulier de sa situation et du vice de procédure lié à l'absence de consultation de la commission du titre de séjour. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2, 3 et 5 du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ".
5. M. A... C... soutient qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants de nationalité française, nés respectivement le 19 juillet 2006 et le 16 janvier 2013. Toutefois, les pièces du dossier, consistant notamment, en ce qui concerne son enfant né en 2006, en deux attestations de la mère de l'enfant, d'un jugement du juge aux affaires familiales du 14 octobre 2009 fixant un droit de visite de cet enfant et une pension alimentaire ainsi que de preuves de virements et, s'agissant de l'enfant né en 2013, de preuves de virements à la mère de cet enfant, ne suffisent pas à établir, comme cela est exposé au point 8 du jugement attaqué, que le requérant contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants français. Par suite, M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val d'Oise aurait inexactement appliqué les dispositions citées au point 4 et commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.
6. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Enfin, selon l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. M. A... C... soutient qu'il vit en France depuis 1992, y étant entré à l'âge de huit ans, qu'il y a été scolarisé de 1992 à 2002, qu'il y est bien intégré socialement et professionnellement, qu'il est père de trois enfants nés en France dont deux sont de nationalité française, qu'il vit en concubinage avec une compatriote titulaire d'une carte de résident et qu'il n'a plus d'attaches familiales en République démocratique du Congo. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant justifie de sa résidence en France depuis plus de dix ans, ni, comme cela a été dit au point 5 du présent arrêt, qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants de nationalité française. En outre, il ne ressort pas de ces pièces que M. A... C... aurait une vie commune avec une compatriote en situation régulière et que sa présence serait nécessaire aux membres de sa famille résidant régulièrement sur le territoire français. Enfin, il ne ressort pas desdites pièces que le requérant serait dépourvu d'attaches privées et familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que des dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de la situation du requérant.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, dès lors, ainsi qu'il a été dit au point 2, que le refus de titre de séjour était suffisamment motivé, le préfet du Val d'Oise n'avait pas à assortir la décision d'éloignement d'une motivation particulière. Par suite, ce moyen doit être écarté.
9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val d'Oise n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. A... C... avant de prendre la décision en litige.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
11. Dès lors que M. A... C... ne justifie pas d'une résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, et qu'il n'établit pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants de nationalité française, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées seront écartés.
12. En dernier lieu, pour les motifs exposés au point 7 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte et d'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val d'Oise.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2025.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA02229 2