Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2303910 du 12 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 mai 2024, Mme A... B... épouse C..., représentée par Me Lantheaume, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contenues dans l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre à toute autorité administrative compétente de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; subsidiairement, de procéder, dans le même délai et sous la même astreinte, au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d'annuler le signalement dont elle fait l'objet dans le système d'information Schengen pour la durée de l'interdiction de retour ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en raison de l'absence de saisine préalable de la commission du titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions l'article L. 435-1 du même code ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision lui refusant un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans est illégale en raison de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-6 et 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2024, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 3 avril 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante camerounaise née le 30 juin 1959, est entrée en France le 10 janvier 2012 selon ses déclarations. Le 5 mai 2022, elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme B... relève appel du jugement du 12 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrête du 12 décembre 2022 :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".
3. Si le préfet fait valoir que la requérante ne justifierait pas de sa présence en France avant l'année 2014 au cours de laquelle Mme B... a été titulaire d'une carte de séjour, les différentes pièces produites au dossier, notamment d'ordre médical, sont suffisantes pour établir que l'intéressée résidait sur le territoire depuis au moins le mois de décembre 2012, soit depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 12 décembre 2022. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis était de saisir la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur la demande de l'intéressée. La requérante est ainsi fondée à soutenir que la décision est entachée d'un vice de procédure, et à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande et à demander l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7,
L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
6. Le motif d'annulation retenu implique seulement, pour l'exécution du présent arrêt, que le préfet de la Seine-Saint-Denis, ou tout préfet territorialement compétent, réexamine la demande de titre de séjour formée par Mme B..., dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui délivre, sans délai, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
7. Mme B... ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser au conseil de Mme B..., Me Lantheaume, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2303910 du 12 février 2024 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 12 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout préfet territorialement compétent, de délivrer sans délai à Mme B... une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer la demande de titre de séjour de l'intéressée, dans le délai de trois suivant la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Lantheaume une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Lantheaume.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président-assesseur,
- Mme Jayer, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.
La rapporteure,
M-D. JAYERLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
A. LOUINIS
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02117