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12/02/2025 | FRANCE | N°24PA03729

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 12 février 2025, 24PA03729


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés en date du 19 novembre 2023 par lesquels le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2312359 du 20 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les arrêtés en date du 19 novembre 2023 par lesquels le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2312359 du 20 mars 2024, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 août et 27 novembre 2024, M. C..., représenté par Me Fournier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 mars 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions contenues dans les arrêtés du 19 novembre 2023 du préfet de police de Paris ;

3°) d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros hors taxes à son conseil, Me Fournier, sous réserve que celle-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L.761-1 du code de justice administrative ou à lui verser cette somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'il n'était pas admis à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente ;

- elles ne sont pas suffisamment motivées ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans méconnaît les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-10 du même code.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 novembre 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Jayer a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 24 août 1976, est entré en France selon ses déclarations, en juin 2012. Par arrêtés du 19 novembre 2023, le préfet de police lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. C... relève appel du jugement du 20 mars 2024 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande d'annulation des décisions contenues dans ces arrêtés.

Sur les moyens de légalité externe communs à toutes les décisions :

2. En premier lieu, par un arrêté n° 20232-00971 du 23 août 2023 régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, le préfet de police a donné à M. B... A..., attaché principal de l'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été signées par une autorité incompétente doit être écarté comme manquant en fait.

3. En deuxième lieu, les décisions contestées, qui n'ont pas à faire état de l'ensemble des éléments relatifs à la situation de l'intéressé, et qui visent les textes applicables, exposent la situation personnelle de M. C... et énoncent les motifs pour lesquels le préfet a pris les décisions litigieuses, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ces décisions doit être écarté.

Sur les moyens propres aux décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination :

4. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

5. Quand bien même serait-il établi que le requérant réside en France depuis fin 2012, il ressort des pièces du dossier, de ses propres déclarations aux services de police après son interpellation le 18 novembre 2023, qu'après le rejet de sa demande d'asile, il a déjà fait l'objet, les 4 mars 2015 et 4 avril 2018, de mesures d'éloignement avec octroi de délai de départ volontaire. Par ailleurs M. C... n'a jamais exercé d'activité professionnelle sur le territoire national hormis celle, non déclarée, de réparateur de véhicule, et il n'a jamais déclaré de revenus. Le requérant n'établit dès lors pas être inséré professionnellement en France. Si en cause d'appel, il justifie que son épouse a, postérieurement à l'arrêté contesté, été mise en possession d'un titre de séjour d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale, et se prévaut à nouveau de la présence régulière en France de leur fils étudiant, né en 2004, alors même que le couple a toujours été hébergé dans des structures d'accueil et ne dispose de son propre logement, M. C... ne démontre pas que la cellule familiale ne pourrait se reconstituer hors de France, notamment dans son pays d'origine où lui-même a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Par suite, eu égard aux conditions du séjour en France de l'intéressé et alors qu'il n'a pas exécuté les précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En second lieu, le moyen tiré de ce que le préfet a entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui viennent d'être énoncés au point précédent.

Sur les moyens propres à la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de 24 mois :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) " Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

8. M. C... soutient que la décision attaquée méconnaît ces dispositions, compte tenu de la durée de sa présence et de la nature et de l'intensité de ses liens personnels en France. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer en Géorgie. Le requérant étant présent sur le territoire français, en situation irrégulière depuis le rejet définitif de sa demande d'asile le 4 mars 2015, et ayant déjà fait l'objet de mesures d'éloignement, en lui faisant interdiction de retour en France pendant une durée de 24 mois, le préfet de police n'a dès lors pas méconnu les dispositions précitées ni entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs et dès lors, au demeurant, qu'il n'est pas établi que le fils du requérant, âgé de 20 ans, ne pourrait continuer à résider en France s'il entend y poursuivre ses études, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la mesure doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par conséquent, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 février 2025.

La rapporteure,

M-D. JAYERLa présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA03729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA03729
Date de la décision : 12/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : FOURNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-12;24pa03729 ?
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