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05/06/2025 | FRANCE | N°23PA03955

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 05 juin 2025, 23PA03955


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 septembre 2022 et 3 février 2023, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision par laquelle la direction des affaires foncières de la Polynésie française a implicitement rejeté sa réclamation contentieuse du 30 mai 2022, d'annuler le titre exécutoire du 30 mars 2022 et de prononcer la décharge de

l'obligation de payer la somme de 31 195 275 F CFP, et enfin subsidiairement d'ordonner à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 30 septembre 2022 et 3 février 2023, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler la décision par laquelle la direction des affaires foncières de la Polynésie française a implicitement rejeté sa réclamation contentieuse du 30 mai 2022, d'annuler le titre exécutoire du 30 mars 2022 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 31 195 275 F CFP, et enfin subsidiairement d'ordonner à l'administration fiscale de prononcer le dégrèvement des redevances domaniales mises à sa charge pour un montant de 23 069 070 F CFP, outre tous éventuels intérêts de retard.

Par un jugement n° 2200414 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la requête de l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 septembre 2023 et un mémoire complémentaire du 11 mai 2025, ce dernier non communiqué, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri, représentée par Me Houbouyan, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 6 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 ;

3°) d'annuler la décision implicite de rejet, par la Direction des affaires foncières de la Polynésie française, de sa réclamation contentieuse du 30 mai 2022 ;

4°) d'annuler le titre exécutoire du 30 mars 2022 ;

5°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 31 195 275 F CFP ;

6°) à titre subsidiaire, si par impossible la Cour jugeait valide le recouvrement de la redevance au titre de l'occupation du domaine public à l'encontre d'une personne qui n'est pas occupante du domaine public, d'ordonner à l'administration fiscale de prononcer le dégrèvement des redevances domaniales mises à la charge de l'ASLPR MIRI pour un montant de 23 069 070 F CFP, outre tous éventuels intérêts de retard ;

7°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 800 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 portant autorisation d'occupation du domaine public fluvial est illégal en ce qu'il a été obtenu par fraude pour mettre à la charge de l'association une redevance incombant au propriétaire du terrain sur le tréfonds duquel sont installés les forages de pompage d'eau emportant occupation du domaine public ; l'association ne peut de ce fait être considérée comme bénéficiant d'une autorisation d'occupation du domaine public ; cet arrêté est un acte inexistant, nul et de nullité absolue ; le recours dirigé contre un tel acte est dès lors ouvert sans condition de délai ;

- la décision implicite de rejet de la direction des affaires foncières est de ce fait entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir ;

- la majeure partie des sommes appelées au titre de la redevance mise à la charge de l'association est atteinte par la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2024, la Polynésie française, représentée par Me Quinquis, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, faute pour l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri d'avoir justifié de sa capacité pour agir et de la qualité pour agir de M. A..., administrateur ad hoc ;

- les conclusions de la requête tendant à l'annulation par voie d'action de l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 sont irrecevables en ce que l'association est forclose pour le faire ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code civil ;

- la loi du 21 juin 1865 relative aux associations syndicales ;

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ;

- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a bénéficié d'une autorisation d'occupation temporaire d'un emplacement du domaine public fluvial au droit des parcelles cadastrées section AP n° 151 et n° 152 et section D n° 58 du domaine Papearia, dans la commune de Punaauia, dans le cadre de l'exploitation de deux forages de pompes d'eau. Cette autorisation, destinée à alimenter en eau le projet des lotissements Miri, a été accordée par un arrêté modificatif du 31 mars 2011 pour une durée de neuf ans, soit jusqu'au 24 janvier 2020. A la suite d'une visite des installations sur place de la direction de l'équipement, le relevé de compteur de consommation d'eau a fait apparaître un volume d'eau consommée de 2 150 600 m3 au 30 juillet 2020. L'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a fait l'objet, le 13 août 2022, d'un avis de mise en recouvrement pour un montant de 31 195 275 F CFP au titre de la redevance pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019. A la suite du rejet de son recours gracieux auprès du président de la Polynésie française et du directeur des affaires foncières, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler cet avis de mise en recouvrement et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 31 195 275 F CFP mise à sa charge. Par jugement du 6 juin 2023, dont l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Les conclusions présentées par l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri et tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 par lequel cette association a bénéficié de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public fluvial dans le cadre de l'exploitation de deux forages de pompage d'eau n'ont pas été soumises aux premiers juges. Ces conclusions ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont par suite irrecevables.

Sur le fond du litige :

3. En premier lieu, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri soutient que l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 par lequel l'autorisation d'occupation du domaine public fluvial pour l'exploitation de deux forages de pompage d'eau lui a été accordée a été obtenu par fraude et est entaché d'illégalité, et que la décision implicite par laquelle le directeur des affaires foncières a rejeté son recours gracieux tendant à la décharge de l'obligation de payer la somme de 31 195 275 F CFP mise à sa charge au titre de la redevance due pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2019 est de ce fait entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ainsi que d'un détournement de pouvoir. L'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri doit ainsi être regardée comme se prévalant de l'exception d'illégalité de l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011.

4. Toutefois, d'une part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

5. D'autre part, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. Il résulte de l'instruction que l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri n'a jamais contesté l'arrêté n° 1 CM du 6 janvier 2011 par lequel elle a été autorisée à occuper le domaine public fluvial et qui lui a été notifié le 25 janvier 2011, alors qu'elle disposait du délai raisonnable d'un an, soit jusqu'au 25 janvier 2012, pour introduire un recours contre celui-ci, en raison du caractère incomplet des mentions des voies et délais de recours lors de sa notification. Par suite, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri n'était pas fondée à en invoquer l'illégalité par la voie de l'exception, lors de l'introduction de sa requête devant le tribunal administratif de la Polynésie française en septembre 2022, plus de dix années plus tard.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 de la délibération n° 2004-34 du 12 février 2004 : " Les revenus, redevances, droits et taxes de toutes sortes, afférents au domaine public de la Polynésie française, recouvrées par le receveur des domaines en vertu de délibérations, arrêtés, décisions ou actes, sont soumis à la prescription quinquennale édictée par l'article 2277 du code civil. Cette prescription commence à courir à compter de la date d'exigibilité des droits et redevances ". Et aux termes de l'article 2277 du code civil dans sa rédaction applicable à la Polynésie française : " Se prescrivent par cinq ans les actions en paiement : des salaires ; des arrérages des rentes perpétuelles et viagères et de ceux des pensions alimentaires ; Des loyers, des fermages et des charges locatives ; des intérêts des sommes prêtées, et généralement de tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts. Se prescrivent également par cinq ans les actions en répétition des loyers, des fermages et des charges locatives ".

8. L'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri soutient que la créance d'un montant de 31 195 275 F CFP dont la Polynésie française a réclamé le paiement par l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2022 était prescrite et qu'elle ne peut être considérée comme redevable au titre de la consommation d'eau que pour les années 2018 et 2019. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2011 à 2019, l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri n'a jamais adressé de relevé de compteur d'eau à l'administration polynésienne, qui n'a donc jamais pu lui adresser en retour le montant des redevances trimestrielles à payer à ce titre. Ce n'est qu'à compter de la consignation établie le 13 août 2021, après que le président de l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri a adressé en novembre 2020 à l'administration polynésienne une déclaration de consommation d'eau, que le volume total d'eau consommé par les colotis au titre des années 2011 à 2019 a pu être connu et arrêté, permettant ainsi d'établir le montant de la créance à ce titre. La créance n'étant devenue certaine et liquide qu'à compter de 2021 et la prescription ne commençant à courir qu'à compter de la date d'exigibilité de la redevance, la prescription quinquennale, qui concerne l'action en paiement, n'a commencé à courir qu'à compter du 13 août 2021. Par suite, à la date de l'émission de l'avis de mise en recouvrement du 13 août 2022, la créance de 31 195 275 F CFP n'était pas prescrite, et la Polynésie française était fondée à en réclamer le paiement.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres fins de non-recevoir opposées par la Polynésie française, que l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa requête.

Sur les frais de l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri le versement à la Polynésie française de la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri est rejetée.

Article 2 : L'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri versera à la Polynésie française la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association syndicale des propriétaires du lotissement Résidence Miri ainsi qu'à la Polynésie française.

Délibéré après l'audience du 15 mai 2025, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- Mme Hélène Brémeau-Manesme, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

H. BREMEAU-MANESMELe président,

I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03955


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03955
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Hélène BRÉMEAU-MANESME
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SELARL M&H

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23pa03955 ?
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