Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 3 mai 2019 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.
Par un jugement n° 1906846 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, faisant droit à la demande de Mme D... épouse C..., annulé l'arrêté du préfet du Val-d'Oise et lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à l'intéressée, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de première instance de Mme D... épouse C....
Il soutient que :
- l'arrêté du 3 mai 2019 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D... ;
- les autres moyens de première instance invoqués par Mme D... épouse C... ne sont pas fondés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... épouse C..., ressortissante marocaine, née le 14 octobre 1983, a déclaré être entrée en France le 20 janvier 2019 sous couvert d'une carte de résident de longue durée / CE, délivrée par les autorités italiennes le 31 juillet 2014. Elle a sollicité son admission au séjour en invoquant le bénéfice des dispositions énoncées par le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet du Val-d'Oise a pris à son encontre, le 3 mai 2019, un arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 26 novembre 2019, annulé cet arrêté. Le préfet du Val-d'Oise fait appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Pour annuler l'arrêté du 3 mai 2019 portant refus de titre de séjour et obligeant Mme D... épouse C... à quitter le territoire français, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que, par cette décision, le préfet du Val-d'Oise a méconnu les stipulations précitées eu égard à la circonstance que son époux dispose d'un titre de séjour sur le territoire national et d'une situation professionnelle stable, que leur mariage est ancien, qu'il existe une communauté de vie, et qu'ils ont un très jeune enfant. Il ressort des pièces du dossier que
M. et Mme C... se sont mariés au Maroc en 2006, que Mme D... épouse C... a obtenu un certificat de résidence en Italie en 2014, qu'en 2015 lors de la constitution de sa société M. C... a déclaré être domicilié dans ce même pays, que l'arrivée de son épouse sur le territoire français est intervenue en janvier 2019. Dans ces conditions, et alors que Mme D... épouse C... dispose de la faculté de rendre visite à son époux et de solliciter un regroupement familial en Italie ou en France, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que la décision du préfet du Val-d'Oise du 3 mai 2019 méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D... épouse C... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt de son enfant :
5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C..., qui sont mariés depuis 2006, ont un jeune enfant né le 14 mars 2018, et que l'époux de la requérante dispose d'un titre de séjour et d'une activité professionnelle en France. Dans ces conditions, la décision contestée du préfet de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office, qui aurait pour effet de séparer ce jeune enfant, même provisoirement de son père, porte atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant et doit être regardé comme contraire à l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de Mme D... épouse C... en annulant l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 3 mai 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, dans un délai de trente jours, et fixant le pays de destination doit être accueillie.
Sur les frais liés au litige :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... épouse C... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Val-d'Oise est rejetée.
Article 2 : L'État versera à Mme D... épouse C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 19VE04189 2