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17/09/2024 | FRANCE | N°22NT01966

France | France, Cour administrative d'appel de NANTES, 6ème chambre, 17 septembre 2024, 22NT01966


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de l'établissement Direction Réseaux Direction Clients-Territoire Centre-Ouest (CSEE DR-DCT-CO) de la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Bretagne mettant

en demeure le président de ce comité de procéder, sous un délai de deux mois, à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de l'établissement Direction Réseaux Direction Clients-Territoire Centre-Ouest (CSEE DR-DCT-CO) de la société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Bretagne mettant en demeure le président de ce comité de procéder, sous un délai de deux mois, à l'évaluation de l'exposition des salariés de l'établissement au risque chimique, y compris l'amiante, afin de soustraire ces salariés au risque d'inhalation de fibres d'amiante et fixant les conditions dans lesquelles cette évaluation devait être réalisée.

Par un jugement N°1904977 du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juin 2022 et le 19 septembre 2022, le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF, représenté par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision du 19 juillet 2019 par laquelle le ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2019 du DIRECCTE de la région Bretagne mettant en demeure le président de ce comité de procéder, sous un délai de deux mois, à l'évaluation de l'exposition des salariés de l'établissement au risque chimique, y compris l'amiante, afin de soustraire ces salariés au risque d'inhalation de fibres d'amiante et fixant les conditions dans lesquelles cette évaluation devait être réalisée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société GRDF la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- il est entaché d'un vice de forme, en ce que sa minute n'est pas revêtue des signatures exigées par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été porté à la connaissance des parties en temps utile ;

- c'est à tort que le tribunal, pour rejeter sa demande comme irrecevable, a estimé que le mandat donné au secrétaire du CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF par une résolution du 3 avril 2019, M. B... A..., n'avait conféré aucune qualité à ce secrétaire pour déférer en son nom et pour son compte, devant la juridiction administrative, la décision de la ministre du travail du 19 juillet 2019, alors même que le libellé de ladite résolution n'exclut nullement une action devant la juridiction administrative, dès lors qu'elle a expressément mandaté M. A... pour " engager toute procédure " nécessaire au respect de la délibération, notamment, mais pas exclusivement, toute action en référé devant le tribunal de grande instance ;

- l'expression " toute procédure judiciaire " n'est pas limitée aux actions devant une juridiction de l'ordre judiciaire et doit être entendue comme visant toute action en justice ;

Sur le bien-fondé du jugement :

- le tribunal a méconnu son droit à un recours effectif, garanti tant par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen que par l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en retenant une lecture abusivement restrictive ;

- il justifie d'un mandat régulier aux fins de soumettre la présente requête à la cour administrative d'appel de Nantes ;

- contrairement à ce qu'a estimé la ministre du travail, les articles L. 4721-1 et suivants du code du travail trouvaient à s'appliquer en l'espèce, dès lors qu'étaient en cause le non-respect par l'employeur de principes généraux de prévention de risques pour la santé et la sécurité des agents de GRDF, mais aussi une infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité édictée par l'article L. 4221-1 du code du travail ;

- le DIRECCTE de la région Bretagne dispose du pouvoir d'adresser une mise en demeure à l'employeur en vue de faire cesser un danger grave et imminent, sur le fondement de l'article L. 4721-1 du code du travail, conformément à l'obligation générale de sécurité et de protection de la santé des salariés et aux règles de prévention des risques définies par ce même code ;

- à titre subsidiaire, la décision du 19 juillet 2019 a été prise par une autorité incompétente.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2022, la société GRDF conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le requérant ne justifie pas d'un mandat régulier aux fins de soumettre sa requête à la Cour et que les moyens soulevés par le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF ne sont pas fondés.

Un mémoire présenté par la société GRDF, enregistré le 29 aout 2024 postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pons,

- les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique,

- et les observations de Me Smaali pour le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF et de Me Camus pour la société GRDF.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'une réunion du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de la société GRDF du 9 novembre 2018, un membre de la délégation du personnel du CHSCT de la Direction Réseaux Ouest (DRO) Bretagne de la société GDRF a alerté son employeur sur l'existence d'une situation de danger grave et imminent portant, d'une part, sur des manquements dans l'évaluation du risque à l'exposition à l'amiante ainsi que, d'autre part, sur l'insuffisance de mesures de prévention portant sur ce même risque ainsi que sur les risques inhérents à d'autres agents chimiques dangereux, dont les agents cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Le 27 novembre 2018, l'inspecteur du travail a été saisi du constat de désaccord entre l'employeur et la délégation du personnel du CHSCT concernant le danger grave et imminent et les mesures à prendre pour le faire cesser. Le 11 décembre 2018, une enquête a été diligentée au siège de l'établissement GRDF de la DRO Bretagne. A l'issue de cette enquête, un rapport a été transmis le 8 mars 2019 au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Bretagne. Par une décision du 20 mars 2019, le DIRECCTE a mis en demeure le président du CHSCT Bretagne, Directeur Réseaux Ouest Bretagne, de procéder à l'évaluation de l'exposition des salariés au risque amiante ainsi que, pour ce faire, de mettre en œuvre un certain nombre de mesures déterminées. Par un courrier du 20 mai 2019, la société GRDF a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Par une décision du 19 juillet 2019, la ministre du travail a annulé ladite décision. Par un jugement du 26 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande du comité social et économique (CSEE DR-DCT-CO) de la société GRDF tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2019. Le CSEE DR-DCT-CO, qui vient aux droits du CHSCT par l'effet de l'ordonnance du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique, relève appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du secrétaire du comité requérant pour le représenter en appel :

2. Il ressort du procès-verbal de la réunion du CSEE DR-DCT-CO du 31 mai 2022 que ce comité a expressément mandaté M. A..., en qualité de membre élu titulaire au CSEE DR-DCT-CO de GRDF pour engager une procédure en appel afin de contester le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 devant la juridiction compétente, en l'occurrence la cour administrative d'appel de Nantes. Par suite, la fin de non-recevoir de la société GRDF tirée du défaut de qualité du secrétaire du comité requérant pour le représenter en appel doit être rejetée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Pour rejeter comme irrecevable la demande du CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF, le tribunal a estimé que le mandat attribué par une résolution du 3 avril 2019 à son ancien secrétaire, M. A..., pour engager " toute procédure judiciaire et pénale ", n'avait été expressément donné que pour saisir le juge compétent de conclusions à fin d'injonction dirigées contre l'établissement Direction Réseaux Centre-Ouest de la société GRDF. Il a relevé que ce mandat ne conférait aucune qualité à ce secrétaire pour déférer en son nom et pour son compte, devant la juridiction administrative, la décision de la ministre du travail du 19 juillet 2019 et que le comité requérant n'ayant, à la date de la clôture de l'instruction, produit aucun mandat délivré à son secrétaire pour contester cette décision administrative, il ne justifiait pas de sa qualité pour agir au nom du CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF.

4. Toutefois, il ressort de la résolution du 3 avril 2019 que cette dernière n'exclut pas la possibilité d'introduire une action devant la juridiction administrative, dès lors que M. A... a été expressément mandaté pour " engager toute procédure judicaire et pénale " nécessaire au respect de la délibération, dont notamment, toute action en référé devant le tribunal de grande instance. La demande d'annulation de la décision en cause, qui vise à obtenir la mise en œuvre de la mise en demeure ordonnée par le DIRECCTE, a pour objet d'assurer le respect de la résolution du 3 avril 2019 rappelée ci-dessus et entre ainsi dans le champ du mandat accordé. De plus, dès lors que le terme de " procédure judiciaire " englobe l'ensemble des règles d'organisation judiciaire, de compétence, d'instruction des procès, d'exécution des décisions de justice concernant la procédure administrative, civile et pénale, c'est à tort que le tribunal a interprété l'expression " toute procédure judiciaire " comme étant limitée aux actions devant une juridiction de l'ordre judiciaire. En retenant la fin de non recevoir opposée par la société GRDF (Direction Réseaux Ouest), puis en rejetant à tort comme irrecevable la requête qui lui était présentée, le tribunal administratif de Rennes a entaché son jugement d'irrégularité. Le jugement doit, pour ce motif, être annulé.

5. Il y a lieu d'évoquer et de se prononcer immédiatement sur les conclusions présentées par le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF devant le tribunal administratif de Rennes et devant la cour administrative d'appel.

6. En premier lieu, la fédération nationale des mines et de l'énergie CGT justifie d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour agir eu égard à la nature et à l'objet du litige, notamment, au regard de son objet social et de ses statuts, pour former intervention au soutien du recours formé par le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de l'ordonnance du 22 septembre 2017 susvisée : " VI. - L'ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des comités d'entreprise, des comités d'établissement, des comités centraux entreprises, des délégations uniques du personnel, des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des instances prévues à l'article L. 2391-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente ordonnance, existant à la date de publication de la présente ordonnance sont transférés de plein droit et en pleine propriété aux comités sociaux et économiques prévus au titre Ier du livre III de la deuxième partie du code du travail mis en place au terme du mandat en cours des instances précitées et au plus tard au 31 décembre 2019. (...) ".

8. Il résulte de ces dispositions que le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF, exposant, s'est substitué, de plein droit, au CHSCT DR-CO, en reprenant l'ensemble de ses droits et obligations. En outre, le transfert des droits et obligations, ainsi que des biens du CHSCT, a été approuvé par le CHSCT DR-CO lors de sa séance du 22 octobre 2019. Par suite, la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que l'instance introduite devant le tribunal était devenue sans objet du fait de la disparition du CHSCT ayant introduit le recours.

9. En troisième lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 4723-1 du code du travail : " S'il entend contester la mise en demeure prévue à l'article L. 4721-1, l'employeur exerce un recours devant le ministre chargé du travail. S'il entend contester la mise en demeure prévue aux articles L. 4721-4 ou L. 4721-8 ainsi que la demande de vérification, de mesure et d'analyse prévue à l'article L. 4722-1, l'employeur exerce un recours devant le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Le refus opposé à ces recours est motivé. ". D'autre part, aux termes de l'article R.421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ".

10. Les dispositions précitées de l'article L. 4723-1 du code du travail, qui ne sont applicables qu'à l'employeur, sont inopposables aux instances représentatives du personnels, notamment le CHSCT, personne morale tierce et distincte, qui, de par son statut et ses missions propres, justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre une décision ministérielle statuant sur la décision d'un DIRRECTE enjoignant à l'employeur de procéder à l'évaluation de l'exposition des salariés à un risque chimique, tel que le risque d'exposition à l'amiante. Au demeurant, il n'est pas contesté que le CHSCT DR-CO n'a eu connaissance de la décision ministérielle du 19 juillet 2019 que le 19 septembre 2019. Par suite, la société GRDF n'est pas fondée à soutenir que l'action du CHSCT pour contester la mise en demeure en litige, introduite devant le tribunal le 4 octobre 2019 était forclose.

11. En dernier lieu, et d'une part, aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. (...) ". Aux termes de l'article L.4121-2 du même code : " L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. ". Aux termes de l'article L.4121-3 du même code : " L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe. A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement. (...). "

12. D'autre part, aux termes de l'article L. 4221-1 du même code : " Les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs. Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d'hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés. (...) ". Aux termes de l'article L.4721-1 du même code : " Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, sur le rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 constatant une situation dangereuse, peut mettre en demeure l'employeur de prendre toutes mesures utiles pour y remédier, si ce constat résulte : 1° D'un non-respect par l'employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 ; 2° D'une infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l'article L. 4221-1. ". Aux termes de l'article L. 4132-4 du même code : " A défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du comité social et économique sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur. L'inspecteur du travail met en œuvre soit l'une des procédures de mise en demeure prévues à l'article L. 4721-1, soit la procédure de référé prévue aux articles L. 4732-1 et L. 4732-2. ".

13. Il résulte de ces dispositions que le DIRECCTE ne peut mettre en demeure l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, que si le constat de la situation dangereuse à l'origine de sa saisine résulte, soit d'un non-respect par l'employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du travail, soit d'une infraction à l'obligation générale de santé et de sécurité des travailleurs résultant des dispositions de l'article L. 4221-1 du même code.

14. En l'espèce, le DIRECCTE de la région Bretagne, par la décision du 20 mars 2019, a mis en demeure le président du CHSCT Bretagne, de procéder, sous un délai de deux mois, à l'évaluation de l'exposition des salariés de l'établissement au risque chimique, y compris l'exposition à l'amiante, afin, le cas échéant par des actions de prévention et d'organisation du travail, de soustraire ces salariés au risque d'inhalation de fibres d'amiante et a fixé les conditions dans lesquelles cette évaluation devait être réalisée. Dès lors que cette mise en demeure résulte d'un non-respect par l'employeur des principes généraux de prévention prévus par les articles L. 4121-1 à L. 4121-5 et L. 4522-1 du code du travail précités et qu'elle n'excède pas les mesures que le DIRECCTE peut imposer à l'employeur dans ce cadre, la ministre du travail, en annulant par sa décision du 19 juillet 2019, la décision du 20 mars 2019 du DIRECCTE de la région Bretagne, a commis une erreur de droit.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que le CSEE DR-DCT-CO de la société GRDF est fondé à demander l'annulation de la décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2019 du DIRECCTE de la région Bretagne.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge conjointe de l'Etat et de la société GRDF, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 avril 2022 est annulé.

Article 2 : L'intervention de la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT est admise.

Article 3 : La décision du 19 juillet 2019 par laquelle la ministre du travail a annulé la décision du 20 mars 2019 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Bretagne est annulée.

Article 4 : l'Etat et la société GRDF verseront conjointement au comité social et économique de l'établissement Direction Réseaux Direction Clients-Territoire Centre-Ouest de la société Gaz Réseau Distribution France, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du comité social et économique de l'établissement Direction Réseaux Direction Clients-Territoire Centre-Ouest de la société Gaz Réseau Distribution France est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au comité social et économique de l'établissement Direction Réseaux Direction Centre-Ouest de la société Gaz Réseau Distribution France, au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, à la Fédération nationale des mines et de l'énergie CGT et à la société Gaz Réseau Distribution France.

Copie en sera adressée pour information à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Bretagne.

Délibéré après l'audience du 30 août 2024, où siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 septembre 2024.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

O. GASPON

La greffière,

C. VILLEROT

La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22NT01966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANTES
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT01966
Date de la décision : 17/09/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: M. François PONS
Rapporteur public ?: Mme BOUGRINE
Avocat(s) : SCP F. ROCHETEAU & C. UZAN-SARANO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-17;22nt01966 ?
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